Cet article a été publié sur Linkedin le 21 Avril 2020

Quels sont les impacts sur notre pratique du Coaching ?

Reprise et Complément d’un article publié dans la Newsletter de la Sf Coach en 2019

Travailler à distance devient la nouvelle norme.

Dans un contexte VUCA (volatil, incertain, complexe et ambiguë), nos économies mondialisées, nos sociétés, nos communautés humaines vivent des relations professionnelles établies et efficientes à longue distance.

Cette distance a de multiples dimensions : culturelles, linguistiques, géographiques. La fréquence et la densité des interactions professionnelles entre les différentes parties du monde ont explosées. L’exposition à d’autres cultures, la pratique des langues étrangères et l’usage du ‘Globish’, cet anglais international des affaires, ont facilité nos conversations au-delà des frontières.  

L’augmentation exponentielle du trafic international de marchandises, des flux financiers, des voyages internationaux est bien connue. Rendu possible par les possibilités de l’informatique et des télécommunications, les flux de relations humaines inter-continentales, inter-nations, inter-entreprises ont suivis ces mêmes courbes. Les relations distancielles au travail ont ainsi explosées, via les mails, les conversations vocales et video. La majorité des relations au travail pour les ‘cols blancs’ sont ainsi devenues distancielles.

Le mode projet se développe de la phase de création et de conception, à la phase de production et de pilotage du déploiement. Ainsi des équipes internationales se constituent et coopèrent, alliant distance géographique et distances linguistiques, culturelles… et finalisent des projets complexes sans jamais se rassembler autour d’une table physique.

L’open innovation est au cœur de la réinvention de nombreux modèles d’affaires. Ce processus d’innovation repose sur le rassemblement d’acteurs n’appartenant pas à l’entreprise et les relations professionnelles peuvent se développer majoritairement avec des personnes externes à son entreprise. Le travail s’opère alors essentiellement dans des modalités « distancielles ». 

Le télétravail se développe. Déjà 25 % des personnes pratiquent le télétravail. Les prospectivistes annoncent un taux de 40% de télétravailleurs chez les cols blancs d’ici 2025. Cette évolution est même attendue voire espérée pour réduire les RPS et améliorer la Qualité de Vie au Travail, pour réduire les trajets et les pollutions associés, pour améliorer l’Equilibre de Vie. 

L’épisode du COVID accélère cette transition vers un usage permanent, régulier, ‘normal’ du télétravail et du travail à distance plus largement.

Efficacité, Efficience et renforcement des relations humaines à distance

La transformation numérique touche autant nos vies professionnelles que nos vies privées ; et nous ouvre à des relations appelées « virtuelles », et qui constituent une nouvelle forme de relations « humaines » à distance. Nous nous en réjouissons lorsque ces modalités nous permettent de garder des contacts intimes réguliers avec nos amis et nos familles de plus en plus dispersés géographiquement ; nous les utilisons au quotidien dans notre vie professionnelle.

Ainsi, la globalisation des entreprises, le management d’équipes internationales, la mise à disposition d’outils de relation à distance permet à de nombreux managers de « fonctionner » à distance avec leurs équipes. Certains collectifs « se croisent à peine » et les relations professionnelles deviennent non seulement distancielles, mais s’intensifient dans les courts moments de rencontres, moins fréquents certes, où beaucoup se joue, et pendant lesquels les liens interpersonnels se renforcent.

A l’opposé, des relations humaines « pérennes » et des « liens forts» se créent à distance. Parfois, les collègues les plus importants, les collègues clés travaillent à l’autre bout du monde, dans une autre horloge dans une autre culture! La distance physique peut être compatible avec une proximité de travail, et avec une véritable relation humaine. 

Depuis quelques semaines, nous déployons et expérimentons le télétravail à temps plein et à marche forcée depuis le confinement. Notre envie, notre capacité, notre compétence pour travailler à distance se sont accélérés de manière fulgurante. Nous re-découvrons des capacités d’organisation à distance ET l’importance de la qualité des liens fussent-ils à distance.

Le Coaching à distance est une pratique établie de longue date

L’offre de coaching en distanciel se développe rapidement auprès de la clientèle du coaching professionnel. En France, il a commencé à s’implanter il y a une quinzaine d’années et s’intensifie depuis 2017. La pratique se développe dans toute l’Europe de manière très rapide depuis 5 ans. Aux États-Unis, 70% des coachings s’opèrent à distance ; en Asie, de nombreux coachs de dirigeant pratiquent 80% de leurs sessions à distance, avec parfois les sessions de découverte en présentiel.  

Cette capacité de coaching à distance permet d’offrir cette prestation à des personnes isolées, expatriées, à distance ; ou tout simplement basées sur un site éloigné des villes où les coachs sont implantés.

Ainsi, Vivacci a démarré cette pratique en France en 2005 et mené plusieurs centaines de missions de coaching à distance. Cette pratique est maintenant maitrisée et courante, et représente la moitié de notre activité en coaching individuel ; elle se développe pour les collectifs, pour les coachings en équipe depuis 2015.  

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses formations de coachs reconnues au niveau international se déroulent essentiellement en distanciel dont de nombreuses formations anglo-saxonnes comme CTI, Métasysteme, l’Université de Columbia (NY), et plus récemment l’Académie du Coaching en France. 

Notre profession et notamment l’International Coaching Federation reconnait cette pratique et les certifications de ICF sont possibles à distance depuis très longtemps.

Les technologies facilitent le Coaching à Distance et posent de nouveaux enjeux

Les modalités de coaching se sont élargies avec l’évolution des technologies de communication à notre service. Il est maintenant possible de proposer nos services de coachs par téléphone, sur tablette, par ordinateur, le tout via Internet, Skype, Facetime, WhatsApp, Zoom, … et autres outils de vidéoconférences. Demain, la Téléprésence va se démocratiser, cette modalité de Video, avec une qualité augmentée et une proximité simulée permet de se sentir en réelle proximité…

Payantes ou gratuites, avec des abonnements de base et des niveaux augmentés – les fameux ‘upgrade’ souvent couteux, de nombreux dispositifs sont possibles, et ces outils représentent une charge importante pour les prestataires de coaching ; souvent proche en coût réel des locations de bureaux physiques !  

De nombreuses plateformes sont proposées aux coachs : elles se renouvellent et évoluent rapidement et constituent des investissements importants pour nos métiers. Nous devons nous former, être capables d’intervenir sur de multiples plateformes, choisir les nôtres parmi ce foisonnement selon nos préférences et répondre aux demandes d’usages très variées de nos clients.

Nous aurons à être attentifs aux éléments de stabilité, performance et sécurité et à nous adapter aux contraintes et aux choix de nos clients pour réaliser nos missions en respectant leurs contraintes.

Par ailleurs, les prescripteurs de coaching accueillent avec enthousiasme l’élargissement, voire la banalisation de l’accès au coaching pour des populations importantes en ayant recours à des plateformes de coaching à distance. Assurément, nous faisons face à un risque d’uberisation du coaching par des personnes peu formées, peu qualifiés, ni certifiés, et encore moins accréditées. Les relations de coaching peuvent parfois devenir en partie ‘virtuelles’ avec des algorithmes de sélection du ‘bon’ coach et des interventions suggérées par l’IA ce qui pose de nouveaux enjeux de pratiques et de déontologies. Pour ces raisons, nous nous y refusons chez VIVACCI et nous aurons surement l’occasion d’en reparler ensemble.  

Quelles sont les ‘bonnes raisons’ pour accompagner à distance ?

Le coaching à distance permet de travailler, voire s’avère la seule modalité de coaching envisageable quand les professionnels, les managers et dirigeants travaillent de plus en plus à distance : dans de nombreuses entreprises la relation professionnelle en interne s’opère depuis longtemps essentiellement au travers de modalité de travail à distance via e-mail, téléphone, vidéo, … Le coaching se doit d’être possible avec la même facilité à distance et en présentiel pour répondre à la demande, aux besoins, aux attentes de nos clients.

Aussi, le coaching se développe selon des modes synchrones et de plus en plus asynchrones. Si l’on a réussi à réduire les distances par les moyens de transports et de communications, nous n’avons pas encore réduit les décalages horaires ! et le coaching peut également se développer au travers de modalités écrites, … avec des temps de réflexion intermédiaires. Il peut également s’exercer en temps réel auprès d’un collectif au travers d’un usage du chat en parallèle des échanges.

Et les fondamentaux du coaching dans tout cela ? 

Dans le cadre professionnel, les objectifs du coaching à distance restent inchangés : qualité, efficience de la relation, régulation du lien, distanciation, OKness au sein du système Coaching et entre le client et son environnement.

Dans notre référentiel de Coach, nous insistons sur sa ‘place’: sortir le client de son cadre de travail, soutenir que le fait qu’il se déplace jusqu’à notre environnement professionnel participe de la démarche de coaching, affirmer que notre décor parlait déjà de nous et donc, de la relation transférentielle qui se mettrait en place. Avec l’abolition de la distance physique, la question de la Place, du lieu du Coaching doit être refondée et sera un élément important de la contractualisation.

Ainsi, travailler à distance en coaching éclaire, en permettant un feed-back en écho avec la réalité professionnelle. Expérimenter le travail à distance avec son coach, permet de s’entrainer, de mettre au travail la relation humaine professionnelle à distance , dans un cadre protecteur et puissant. 

La distance devient une chambre d’échos où la voix et l’audition (re) gagnent une place majeure par rapport à d’autres sens. Pour servir l’intérêt du client qui reste, rappelons-le au coeur du système, elle nécessite un cadre, un protocole, un contrat de coaching ajusté et un savoir-faire. Le contrat devra indiquer, comme tous les contrats, les modalités, les protections et des ajouts tenant compte du dispositif. Par exemple : «vous devez vous positionner dans un espace calme et vous isoler». Il faudra également que le coach vérifie si cet environnement entre technologie et relation humaine est bien vécu par le client. Il pourra le faire par des questions comme : « Comment êtes-vous installé ? », « Les conditions de transmission image et son sont-elles confortables pour vous ? Pouvons-nous travailler ensemble notre concentration pour commencer ? », etc. Pour pratiquer ces coachings, il s’agit que le coach lui aussi garde son aisance et installe sa place dans cet espace différent. Il doit apprendre à poser le cadre et à rester présent, par la voix, le timbre, et le silence au téléphone ; par le geste, la posture et les images en vidéo. 

Un coaching à distance nécessite, le plus souvent, d’organiser une tripartite à distance. Il requiert alors de créer une relation « à distance » préalable ou dans l’instant avec les autres personnes pour permettre au dialogue du tripartite de s’installer.

Distance et pauvreté relationnelle ? Le paradoxe de la distance

L’objection qui émerge souvent dès lors que l’on évoque le coaching à distance porte sur l’effritement d’une relation de qualité entre le coach et son client, voire entre le coach, son client prescripteur et son coaché. S’il en était besoin les relations épistolaires témoignent du contraire depuis des siècles. Aujourd’hui, les modalités ont évolué vers le téléphone, puis le courriel, et les vidéos.

Les réseaux sociaux permettent aux personnes de maintenir et de développer de plus en plus de liens à distance dans le cadre familial, amical, voire dans leurs vies de couples. … La relation à distance peut permettre le maintien et le renforcement du lien humain.

Que nous soyons coach ou superviseur, DRH ou hiérarchique, nous sommes confrontés au paradoxe de la proximité permise par la distance.

De manière paradoxale (comme dans certaines thérapies), le coaching à distance aide la personne à se centrer, à s’ouvrir à ses réflexions, à ses ressentis, à ses perceptions, à ses sensations, et à dialoguer avec elle-même et avec son expérience. Le coaching à distance est donc potentiellement un outil puissant de pars sa modalité. Cependant, il requiert une attention particulière du coach sur les éléments de déontologie et de gestion des limites de l’intervention.